Où que l’on entre, ils sont là, en attente. La tête tournée vers nous, comme d’étranges oiseaux de métal au visage grillagé. Des prédateurs à l’affut de notre inconfort.
Il y a les petits tordus, fixés aux murs, en équilibre. Et les grands tombant des plafonds, bras écartés, accueillants.
Ils rythment les secondes et les minutes. C’est le tempo des jours chauds, brassant l’air moite avec indolence. Certains gémissent, suffoquent ou ahanent. D’autres halètent, se dépêchent, se démènent. Ou bien ils grincent, se plaignent, souffrent à haute voix. Trop hauts, ils savent leur inutilité, trop bas ils dérangent.
Ils sont la caresse des amants en sueur. Les compagnons des esseulés écrasés par l’ennuie. Ils font danser les vapeurs de bouillon dans les bouibouis crasseux et les volutes de cigarettes dans les salles d’attente.
Ils poussent la fumée des barbecues, répandant l’odeur de viande cuite alentour, afin qu’elle se mêle aux gaz d’échappement.
Ils font voler les serviettes des tables de restaurant et jouent avec les cheveux noirs et lisses des clientes, offrant à leur port une air du large.
Dans les longues heures des après-midis ardents, on les regarde tourner, ce sont les seuls à s’agiter. Et malgré leurs pales écaillées ou bien leur grille enfoncés, leurs chromes rouillés, ils tiennent la dragée haute aux climatiseurs sans charme, certes efficaces mais sur lesquels aucun regard ne se pose.
On en croise dans les magasins, encore emballés et rangés comme des soldats en attente d’instructions. Tout prêts à l’efficacité, à la lutte, au travail. Ils se déclinent en plusieurs tailles, plusieurs colories, mais demeurent classiques, éternels. Ce qu’on regarde, c’est leur tête. L’hélice. Mêmes immobile, on croit déjà sentir le vent qu’elle s’apprête à souffler, comme une promesse d’apaisement.
