La flore vietnamienne respire le bien-être. C’est une végétation opulente, rayonnante, bedonnante. Elle aime ce climat, la chaleur et l’humidité, et elle le montre. Impudique dans les parfums qui en émane, envahissante et débordante quand on tente de la contenir, elle prend toute la place.
À Hanoï, elle mange les murs anciens, escalade les éboulis, trouve des chemins de vie dans les moindres interstices. Elle grimpe sur les parapets et défonce l’asphalte, elle dégueule des balcons et pousse du coude les palissades. Le piéton, s’il ne veut pas chuter, enjambera les racines. Et il se courbera pour ne point être assommé par une branche inopportune.
Dans le sud, aux abords d’Ho-Chi-Min ville, les plantations plus ou moins ordonnées des arbres fruitiers donnent à la région des airs de labyrinthe végétal, au cœur duquel on circulera à vélo, sur de minces pistes de ciment. L’air y est chargé de senteurs lourdes, sucrées, celle des bananiers, des cocotiers, des manguiers, croulant sous les fruits matures gorgés à en éclater de goût et de soleil.
Les bananiers sauvages aux larges feuilles déchirées, poussant comme nos orties, nombreux et anarchiques, sont des parasoles naturels sous lesquels on vient trouver un peu d’ombre. Plante éphémère au cycle annuel, le bananier ne cesse de mourir pour se redresser aussitôt. Sa silhouette, identifiable entre mille, est l’emblème du paysage tropical, la promesse d’abondance fruitière, la signature des natures aisées. Voir un bananier, c’est déjà voyager.
L’arbre des villes, lui, sert à tout. On y accroche miroir ou extincteur, on prend ses racines pour des bancs de fortune, on y love un petit autel dans lequel périront quelques offrandes faites au dieu du coin. Et comme partout dans le monde, on entaillera son écorche pour y graver un prénom, une date, un cœur, dire son amour à ceux qu’on aime.
Et si l’on se trouve loin de la jungle, occupant une partie du centre du pays, on prendra soin de s’offrir quelques végétaux de compagnie. Les arbustes en pots ornent la quasi-totalité des maison vietnamiennes, ils occupent les trottoirs, les cours, les paliers, les escaliers et les balcons.
Peut-être éprouve-t-on alors le sentiment de dompter l’indomptable, de maîtriser un tant soit peu une nature qui, avec ou sans nous, s’épanouit admirablement.