On dit d’une chose qu’elle est incongrue quand elle n’est pas à sa place. Quand sa présence crée la surprise. Mais une surprise qui n’est jamais grave ou problématique. Plutôt amusante, même. Comme, par exemple, aller au supermarché chaussé de palmes. Mettre des morceaux d’ananas dans une pizza, c’est également incongru, je trouve.
On le dit aussi pour une situation. Une situation incongrue, c’est un moment décalé, étrange, un épisode étonnant et drôle.
C’est exactement cela que je ressens quand je pars pour une destination lointaine. Alors que je suis encore sur le sol de mon pays, m’imaginer là-bas, à l’autre bout du monde, dans quelques heures seulement, cela me paraît totalement incongru. Décalé. Comme si ça n’était pas du tout normal, mais que je me l’autorisais tout de même.
C’est pour ça que je souris en regardant les gens autour de moi, les voyageurs qui attendent le même avion que moi, les gens, toutes sortent de gens, jeunes, vieux, apprêtés, ordinaires, beaux, quelconques, perdus, nerveux ou bien endormis. Des peaux clairs, cuivrées, sombres, des traits du monde entier, des visages de partout, qui patientent. Je les regarde, je les observe, et je ne parle pas, je suis déjà en voyage, les yeux grands ouverts, à capter ce qui m’entoure avec appétit.
On n’a pas encore décollé que déjà, ce que je vois me paraît riche, émouvant et incongru.
L’aventure commence maintenant.