Au Vietnam, comme dans bon nombre de pays d’Asie du sud est, l’activité majeure consiste à préparer à manger.

On s’y attèle dès les premières heures du jour. À peine le soleil s’est-il levé que des vapeurs de bouillon l’accompagnent. Accroupi devant une porte, recroquevillé sur un minuscule tabouret, on s’affaire à la confection des plats, le plus souvent des Phô, ces soupes de nouilles de riz, viandes et légumes.

Les cuisines trouvent leur place partout où l’espace le permet : à l’arrière d’une cour, dans un couloir d’immeuble, dans le patio d’une maison moderne où sous un parasol déglingué, sur un bout de trottoir.

Un feu, quelques casseroles noircies et cabossées, une poignée d’ustensiles en fer blanc et des sachets en plastiques bombés de nouilles de riz précuites, de légumes déjà hachés, de morceaux de poulets. On assemble tout cela et le tour est joué.

Le Phô ne se préparent pas, ils se jonglent. On le savoure à toute vitesse, dans des bruits de succion. C’est la soupe du coin de la rue, le repas qui se déguste à l’ombre des palissades. On partage la table, on se dépêche, on ne finit pas son bol, le reste sera pour le caniveau.

Acteur de son élaboration, on y ajoutera quelques saveurs parmi le kit qui occupe chaque table. Pot de piment sec ou en pâte, ail au vinaigre, sauce soja ou de poisson, petits piments verts particulièrement agressifs et quart de citron vert.

Le Phô donne un coup de chaud. Les fronts, penchés au-dessus des larges bols, se perlent de sueur, le nez coule, on renifle vigoureusement entre deux lampées. Tout cela se passe à grande vitesse.

La consommation du Phô s’apparente à un besoin à assouvir dans l’instant : se remplir le ventre avant de poursuivre son chemin. On parle peu, tout occupé à déglutir. 
La soupe avalée, on pêchera un cure-dents aussi fin qu’une aiguille à coudre, taillé dans des tiges de bambou. Et l’on libérera la place, aussitôt nettoyée pour accueillir un nouveau client.

L’ingestion de cette soupe savoureuse ne connaît pas d’horaire. Tout au long de la journée, les marmites mijotent, et l’on peut s’en envoyer une portion à n’importe quel instant. Jusqu’au soir, où le repas se déroulera à la lueur d’une ampoule pendouillant à la baleine d’un parasol, ou bien au reflet du néon vissé au stand ambulant.

Et puis les petits tabourets plastique son empilés, en attendant l’aube et ses nouvelles volutes odorantes.

2 Responses

    1. Merci. Pour répondre à votre question, il n’y a que les éditeurs qui peuvent employer des écrivains, et il n’y a qu’en leur proposant des choses qu’ils sont susceptibles de vous faire travailler. Bonne chance à vous.

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