Il y a, je pense, deux sortes d’histoires. Celles que l’on trouve en soi, et celles que l’on va chercher ailleurs. Les premières sont des histoires-poissons. Elles vivent en nous, ce sont nos souvenirs, nos rêves. Elles nagent au fond de nos eaux intérieures, dans notre océan de pensées. Il faut jeter une ligne et attendre qu’elles mordent à l’hameçon. Ce sont des histoires que l’on pêche.
Les secondes, ce sont des histoires-papillons. Elles se promènent, elles voyagent. Celles-ci, il faut aller à leur rencontre. Leur courir après. Ce sont les histoires arrivées à d’autres, inventées par d’autres, et qui se transmettent, de bouche à oreille.
Je ne sais pas lesquelles sont les plus nombreuses. Je pense, également, qu’il existe des histoires-poissons qui se transforment en histoires-papillons. Ces dernières ont été pêchées par quelqu’un puis lâchées dans la nature. Alors, elles déploient leurs ailes et parcourent du chemin avant de retomber sous la plume d’un écrivain.
Voilà ce que je pense.
Tu le sais, j’ai beaucoup écrit, jusqu’à présent, en puisant dans mes étangs intérieurs. J’ai souvent péché des histoires en moi, que j’ai transformées avant de les servir, comme un cuisinier change un ingrédient de base en un plat savoureux. J’ai ajouté des épices et des condiments à mes souvenirs, pour leur donner de jolies formes.
Mais pour toi, aujourd’hui, j’ai envie d’aller ailleurs. A la rencontre de ce qui se raconte, là-bas.
C’est pour cela que je pars. Loin. Très loin. A la recherche d’histoires-papillons.
J’ignore la forme qu’elles auront, je ne sais rien de leur couleur, ni de l’endroit où je vais les dénicher. Je ne suis même pas certain d’en attraper.
J’ai choisi la Malaisie pour cela. Parce que c’est un pays du bout du monde qui plonge dans la mer de Chine, et rien que ça, ça fait rêver. Parce qu’une partie du pays se situe sur une île, Bornéo, où se trouvent des forêts primitives, et des animaux rares, et des fleurs uniques.
Là-bas, je n’en doute pas une seconde, des histoires t’attendent. Certaines viendront peut-être d’un autre continent, portées par des voyageurs de passage dont je croiserai la route, par hasard. D’autres n’auront pas beaucoup circulé, patientant depuis je ne sais combien de temps que l’on vienne les attraper.
Je serai armé, pour cela, de mes oreilles pour écouter, et de quelques crayons pour dessiner. Et j’espère vraiment porter jusqu’à toi ces histoires-papillons, afin qu’elles trouvent une petite place en toi, je suis sûr qu’elles y seront heureuses.
Tu aimes tellement ça, les histoires.
Je pars dans quelques jours. Tu auras tout juste neuf ans quand je poserai les pieds là-bas. Je découvrirai ce pays lointain le jour de ton anniversaire. Je ne serai pas là pour le fêter auprès de toi, mais crois-moi, mes pensées n’auront aucune difficulté à voyager dans l’autre sens, jusqu’à toi.
Ma quête commence dans quelques jours.
J’ai l’intention de tout te raconter. Les histoires que je vais trouver, bien sûr, mais aussi tout ce qui m’amènera à elles. Tu seras mon journal de bord.
Je me suis donné deux mois. Soixante jours afin de parcourir ce pays lointain, à la recherche d’histoires à t’offrir.
Ensemble, allons écouter ce qu’on raconte au bout du monde.